Dans ce numéro
- Entrée en vigueur du nouveau “Paquet Dessins et Modèles”
- Nouvelle precision de la Cour d’appel de la JUB
- Le logo de la vache verte de Beyond Meat confirmé par l’EUIPO comme étant trompeur
- Précisions sur l'abus du droit d'agir en déchéance
- La justice française ordonne à Google de suspendre son « expérimentation »
- Absence de protection par le droit d’auteur pour le personnage d’Amélie Poulain en costume de Zorro
Actualites propriete intellectuelle
Entrée en vigueur du nouveau “Paquet Dessins et Modèles”
- Règlement (UE) 2024/2822 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 modifiant le règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil sur les dessins ou modèles communautaires et abrogeant le règlement (CE) n° 2246/2002 de la Commission
- Directive (UE) 2024/2823 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 sur la protection juridique des dessins ou modèles (refonte)
Le règlement 2024/822 sur les dessins ou modèles communautaires a été publié le 18 novembre 2024 au JOUE. Il s’appliquera pour l’essentiel de ses dispositions à partir du 1er mai 2025 même si certains articles ne s’appliqueront qu’à partir du 1er juin 2026. Le règlement actuel sera abrogé le 1er mai 2025. La nouvelle directive sur les dessins et modèles (UE) 2024/823 est également publiée et devra être mise en œuvre avant le 9 décembre 2027. La directive 98/71 sera abrogée à la même date.
Ces textes sont le résultat d’années de discussions sur la réforme du régime des dessins et modèles de l’UE. Les réformes visent à mettre à jour la législation actuelle afin d’améliorer la protection des dessins et modèles à l’ère des dessins et modèles numériques et de l’impression 3D.
L’expression dessins et modèles de l’Union européenne (DMUE) remplacera les dessins et modèles communautaires enregistrés (DMC). Les détenteurs de DMUE pourront utiliser un nouveau symbole, un D dans un cercle, pour marquer leurs produits.
Un changement majeur est l’introduction de la clause dite de réparation, qui (après une période transitoire) exempte de la protection des dessins et modèles les pièces de rechange utilisées pour la réparation de produits complexes. Ceci est particulièrement important pour les industries (telles que l’automobile) où les pièces de rechange sont couramment vendues.
Un autre changement est l’élargissement de la définition de « dessin ou modèle » pour y inclure « l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent les caractéristiques, en particulier les lignes, les contours, les couleurs, la forme, la texture et/ou les matériaux, du produit lui-même et/ou de sa décoration, y compris le mouvement, les transitions ou tout autre type d’animation de ces caractéristiques”. L’ajout de « mouvement, transitions ou ... » vise à permettre la protection des dessins et modèles numériques.
De même, la définition de « produit » a été élargie pour inclure « les œuvres ou symboles graphiques, les logos, les motifs superficiels, les caractères typographiques et les interfaces utilisateur graphiques” bien que les programmes d’ordinateur restent exclus.
Pour permettre aux titulaires de dessins et modèles de faire valoir leurs droits contre les infractions liées à l’impression 3D, la nouvelle législation précise que sont interdits “la création, le téléchargement, la copie et le partage ou la distribution à autrui de tout support ou logiciel enregistrant le dessin ou modèle”.
Des modifications ont également été apportées dans les procédures d’enregistrement et les frais.
La Cour d’appel de la JUB précise la possibilité de retirer une dérogation pour un brevet faisant l’objet d’une action devant les juridictions nationales
La Cour d’appel de la JUB a précisé que le retrait d’une dérogation (opt-out) n’est affecté que par les actions intentées devant une juridiction nationale à compter du 1er juin 2023, date d’entrée en vigueur de la JUB. Les procédures nationales engagées avant cette date n’ont pas d’incidence sur le retrait d’une dérogation. La décision ne concerne que les brevets qui ont été exclus de la compétence de la JUB et qui ont fait l’objet d’une procédure nationale engagée avant le 1er juin 2023. Auparavant, les titulaires de brevets auraient pu penser qu’ils ne pouvaient pas retirer leur opt-out si une procédure nationale avait été engagée avant le 1er juin 2023. Désormais, ils peuvent reconsidérer et potentiellement retirer leur opt-out, plaçant le brevet sous la compétence exclusive de la JUB, et faire valoir à nouveau le brevet. Les titulaires de brevets qui réexaminent régulièrement leurs décisions d’opt-out ont désormais un facteur supplémentaire à prendre en compte. Pour ceux qui ne le font pas, le statut de leurs brevets retirés reste inchangé.
D’autre part, les utilisateurs de technologies protégées par un brevet sans autorisation ont peut-être pensé qu’ils ne pourraient pas être poursuivis devant la JUB si une procédure nationale avait été engagée devant un tribunal national avant le 1er juin 2023. Maintenant, l’UPC peut devenir une option pour une deuxième tentative. Les contrefacteurs peuvent donc se trouver confrontés à une autre action en contrefaçon alors qu’ils pensaient auparavant que les procédures nationales étaient les seules options. Mais si une demande de dérogation (opt-out) est retirée, ils auront la possibilité d’engager une unique action en révocation, ce qui n’était pas possible auparavant.
Le logo de la vache verte de Beyond Meat confirmé par l’EUIPO comme étant trompeur s’agissants des substituts de viande
Beyond Meat, une entreprise américaine spécialisée dans les alternatives végétales à la viande, a déposé une marque de l’Union européenne figurative représentant une vache sur fond vert pour divers produits alimentaires végétariens et végétaliens .
Interbev, l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes, basée en France, a demandé l’annulation partielle de cette marque. Interbev a soutenu que l’utilisation de cette marque était trompeuse, car elle pourrait faire croire aux consommateurs que les produits étaient d’origine animale, en contradiction avec les articles 59(1)(a) et 7(1)(g) du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne (RMUE).
La Chambre de recours de l’EUIPO a jugé que la représentation d’une vache stylisée pouvait effectivement induire le consommateur en erreur sur la nature des produits en classes 29 et 30 (notamment les succédanés de viande et les yaourts non laitiers), en leur attribuant des qualités animales qu’ils ne possédaient pas. Par conséquent, l’annulation partielle a été confirmée pour ces produits. Cependant, la chambre a estimé que certains autres produits, comme les barres céréalières et le lait de soja, pouvaient utiliser la marque sans risque de confusion, car ces produits sont désormais bien identifiés comme des alternatives végétales.
Précisions sur l'abus du droit d'agir en déchéance
En réplique à un contentieux engagé par Swatch Group au Royaume-Uni, Samsung a engagé 39 demandes en révocation pour non-exploitation contre les marques de Swatch Group.
Swatch a soulevé l'irrecevabilité des demandes considérées comme abusives sur le fondement de la décision Sandra Pabst de la grande chambre de recours de l'EUIPO (R 904/2021-1). La division d'annulation de l'EUIPO considère que les nombreuses demandes en déchéance de Samsung ne sont pas abusives pour les raisons suivantes :
- Du fait du contentieux en cours, la stratégie peut être considéré comme un moyen de défense
- Samsung n'a pas systématiquement demandé la déchéance pour l'ensemble des produits et services visés par les marques de Swatch
- Samsung avait demandé préalablement à Swatch de renoncer partiellement à ses marques.
Aux termes de la décision, certaines marques renommées du groupe Swatch sont révoquées pour des produits et services non-exploités mais conservées pour les montres analogiques.
Actualites medias, entertainment et publicite
La justice française ordonne à Google de suspendre son « expérimentation » de suppression des publications de presse des résultats de son moteur de recherche en France pour certains internautes
Google a annoncé la suspension de son projet de test qui aurait supprimé le contenu de presse pour 1% des utilisateurs français. Cette décision fait suite à une action en justice rapide intentée par Le SEPM - Syndicat des Editeurs de la Presse Magazine.
La SEPM s’est opposée à ce test en arguant qu’il violait les engagements pris par Google vis-à-vis de l’Autorité de la concurrence, en promettant de ne pas modifier l’indexation, le classement ou la présentation des contenus de la presse lors des négociations en cours sur les droits voisins.
Cette action s’inscrit dans le cadre plus large de la négociation entre la SEPM et Google concernant les droits voisins pour les éditeurs de presse, tels qu’établis par la directive européenne sur le droit d’auteur et sa transposition en droit français. Alors que seulement 1% des utilisateurs ont été touchés, l’impact sur les éditeurs français aurait été important, puisque jusqu’à 90% du trafic provient des recherches Google. Google s’est vu infliger de multiples amendes, d’un montant total de 750 millions d’euros, pour ne pas avoir respecté ces engagements par le passé. Le Tribunal de commerce de Paris a fait droit à la demande de la SEPM, ordonnant une suspension immédiate avec une astreinte pouvant aller jusqu’à 900 000 € par jour.
Absence de protection par le droit d’auteur pour le personnage d’Amélie Poulain en costume de Zorro
Une scène marquante du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain montre Amélie créant une photographie d’elle-même déguisée en Zorro, avec un masque et un chapeau, et un autre personnage recréant cette image dans le film.
La société ME Group France, exploitant des cabines photomatiques, a mené une campagne publicitaire intitulée « Tu veux ma photo ? », diffusée sur son site, sur les réseaux sociaux et sur des photomatons. Cette campagne présentait une femme masquée à la manière de Zorro, dans un photomaton, surnommée « Amélie 2.0 ».
Les créateurs du film, incluant les auteurs, scénaristes et réalisateurs, ont attaqué la société pour contrefaçon et parasitisme, accusant cette dernière d’utiliser sans autorisation le personnage d’Amélie Poulain.
Le Tribunal a refusé de reconnaître une protection par le droit d’auteur pour le personnage d’Amélie Poulain déguisée en Zorro :
- Le personnage d’Amélie Poulain est décrit comme ayant une apparence ordinaire, sans caractéristiques distinctives marquées, hormis sa coupe de cheveux avec une frange courte.
- Le fait qu’elle se cache parfois derrière des accessoires comme de grandes lunettes, un foulard, des lunettes de soleil, ou encore un masque noir et un large chapeau noir, ne constitue pas un comportement récurrent ou caractéristique de l’héroïne.
- Les éléments distinctifs du costume de Zorro ne sont pas susceptibles d’être appropriés individuellement, car ils relèvent du domaine commun de l’univers du déguisement.
En conséquence, le Tribunal a estimé que le personnage d’Amélie Poulain en costume de Zorro ne présente pas l’originalité nécessaire pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, rejetant ainsi les demandes fondées sur la contrefaçon.