Dans ce numéro
- Lignes financières - Position de l'ACPR sur l'inassurabilité des sanctions administratives
- Distribution d'assurance - L'ACPR actualise ses recommandations en matière de devoir de conseil
- Assurance - Enquête de l'ACPR : attention aux clauses d'exclusion !
- Assurance dommages - L'assureur qui refuse sa garantie fait partir en fumée la procédure de l'article L.122-2 du Code des assurances
- Construction - Partage de responsabilité décennale entre un promoteur immobilier et un architecte
- Clause d'exclusion - « Lorsque » la clause d'exclusion est encore ambiguë - Cass. civ. 2e, 23 janvier 2025, n°23-14.482
- Maritime - La clause "pay to be paid" soumise au droit anglais n'est pas opposable à la victime qui exerce une action directe en France
- Cyber - Devoir de conseil du prestataire informatique et responsabilité dans la survenance d'une cyberattaque
- RCMS - Faute de gestion du Président de SAS et prime d'assurance du véhicule personnel
- Produits défectueux - Exclusion des frais de réparation et remplacement et tracasseries administratives
- Dommages corporels - Vers la fin de la multiplicité des barèmes de capitalisation ?
- Actualité de l'équipe : 3 questions à Arnaud Attias, nouveau Counsel en Contentieux & Assurance
Edito
Ca y est ! Voici la première lettre d'information de DWF consacré au droit de l'assurance ! L'ensemble des membres de notre équipe, dont notre nouveau Counsel Arnaud Attias, s'est mobilisé afin de vous proposer un bref aperçu de l'actualité réglementaire et jurisprudentielle dans les différentes branches du droit de l'assurance.
Vous trouverez dans cette première édition les dernières nouvelles de l'ACPR concernant tant l'inassurabilité des sanctions financières prononcées par les autorités administratives indépendantes, que les nouvelles lignes directrices en matière de devoir de conseil des intermédiaires et les résultats de l'étude menée par l'ACPR en matière de clauses d'exclusion.
Les questions soumises aux tribunaux en matière de droit de l'assurance et de responsabilité civile ont également été nombreuses dans tous les domaines au cours des dernières semaines, qu'il s'agisse des modalités de recevabilité des réclamations concernant l'assurance dommages, du devoir de conseil du prestataire informatique ou, une fois encore, l'appréciation de la validité de différentes clauses d'exclusions.
Cette lettre d'information est également l'occasion de vous tenir informés de l'actualité du cabinet, notamment de l'ouverture récente d'un bureau à Montréal pour parfaire notre présence au Canada.
Nous vous souhaitons une bonne lecture de nous tenons naturellement à votre disposition en cas de besoin.
Romain Dupeyré
Lignes Financieres
Position de l'ACPR sur l'inassurabilité des sanctions administratives
Le 18 mars 2025, l'ACPR a publié un communiqué de presse fermement opposé à l'assurabilité des sanctions pécuniaires prononcées par une autorité administrative.
Comme il l'avait déjà fait par le passé, le régulateur invoque le respect de l'ordre public comme s'opposant à la couverture par un contrat d'assurance des "amendes, quelle que soit leur nature, ou toute autre sanction pécuniaire prononcées par des autorités administratives" et articule cette exigence avec le principe constitutionnel de personnalité des peines. L'ACPR conclut "que toute clause contractuelle le prévoyant serait nulle et de nul effet, sous réserve de l’appréciation des tribunaux."
La clarté de la position du régulateur est bienvenue en ce qu'elle est source de sécurité juridique. On peut toutefois se demander si la position uniforme de l'ACPR conviendra à toutes les sanctions visées dans le communiqué. Les débats doctrinaux sur la question, relatifs à la nature répressive des sanctions, à la nature de la faute sanctionnée, ou encore à la qualité de la personne redevable, pourraient suggérer une solution plus nuancée. Reste donc l'appréciation des tribunaux pour trancher la question.
Distribution D'assurance
L'ACPR actualise ses recommandations en matière de devoir de conseil
Recommandation n°2014-R-02 du 21 novembre 2024
Par une recommandation 2014-R-02 du 21 novembre 2024, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) formule des préconisations aux distributeurs de produits d'assurance sur le recueil des informations relatives au client pour l'exercice de leur devoir de conseil et la fourniture d'un service de recommandation personnalisée. Cette recommandation fait suite, notamment, à l'entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte et aux différents contrôles menés par l'ACPR en matière de devoir de conseil. Le régulateur pose quatre séries de prescriptions.
Le premier volet est relatif au devoir de conseil avant l'adhésion ou la souscription éventuelle d'un contrat. A ce titre, l'ACPR recommande la mise en œuvre de « questions claires, précises et compréhensibles », par exemple sous forme de questionnement logique, mais aussi d'attirer l'attention du souscripteur sur un éventuel risque de cumul d'assurances. S’agissant plus spécialement des produits de capitalisation et d’assurance-vie, l’autorité de contrôle préconise de recueillir un ensemble d’information couvrant à la fois la situation familiale et professionnelle du souscripteur, mais aussi sa situation financière, en fixant avec précision les objectifs de souscription ou d’adhésion et l’horizon d’investissement.
Les préférences de l’adhérent ou du souscripteur éventuel en matière de durabilité ne sont pas oubliées, puisque l’ACPR invite également les distributeurs à s'enquérir de l'intérêt et des éventuelles préférences du prospect à ce sujet. L’exploitation des informations recueillies, pour l’ensemble des produits d’assurance, appelle par ailleurs de la part des distributeurs un travail d’identification des réponses manifestement incohérentes entre elles ou incomplètes.
La formulation du conseil et des informations sur les produits d’assurance non-vie suppose quant à elle que le distributeur explique « clairement l’étendue des garanties et leurs restrictions », ce qui suppose des exemples chiffrés standardisés sur les montants des prises en charge.
La deuxième série de recommandations porte sur le périmètre du devoir de conseil après l’adhésion ou la souscription à un contrat d’assurance non-vie. A cet égard, l’ACPR invite notamment les distributeurs à prendre attache avec le souscripteur selon une périodicité adaptée, afin d’examiner que la police reste toujours cohérente à ses besoins et exigences – ce qui implique, dans la négative, que le distributeur propose d’adapter le contrat.
Dans un troisième temps, l’autorité de régulation émet une série de recommandations en matière de devoir de conseil après l’adhésion ou la souscription d’un contrat d’assurance-vie. Parmi les mesures préconisées, l’ACPR invite les distributeurs, en cas d'absence d'opération pendant 4 ans – ou 2 ans si un service de recommandation personnalisée a été fourni – à contacter l'adhérent afin d'actualiser les informations recueillies et vérifier la conformité du contrat à ses exigences et besoins.
Le dernier volet vise à ce que le personnel chargé de la vente des produits d’assurance dispose des connaissances et compétences nécessaires pour proposer un produit cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur. La recommandation entrera en application à compter du 31 décembre 2025.
Assurance
Enquête de l'ACPR : attention aux clauses d'exclusion !
L'ACPR a engagé à la fin de l'année 2023 une enquête afin d'examiner la manière dont la jurisprudence et la doctrine du Médiateur de l'Assurance étaient pris en compte par les compagnies d'assurance dans la rédaction de leurs clauses contractuelles. L'ACPR a ainsi interrogé 17 assureurs et analysé plus d’une centaine de contrats d’assurance de dommages.
Les résultats de l’enquête, publiés le 24 septembre 2024, sont porteurs de plusieurs enseignements. D’une part, les contrats examinés comportent encore des clauses d'exclusion invalidées par la Cour de cassation.
Sont visées en particulier le « défaut d’entretien », les dommages « causés ou provoqués » par l’assuré et le non-respect des « règles de l’art ». De telles clauses sont en effet contraires à la jurisprudence rendue en application de l'article L.113-1 du Code des assurances : notamment, elles ne doivent ni vider la garantie de sa substance, ni se référer à des critères imprécis ou des hypothèses non limitativement énumérées.
D’autre part, le régulateur pointe des clauses critiquables conduisant à inverser la charge de la preuve ou bien insuffisamment précises, telles que l’indemnisation des « petites fournitures » en assurance automobile.
Dans ce contexte, si l’ACPR constate que la revue annuelle des contrats d’assurance est en expansion au sein des compagnies, elle relève toutefois qu’elle est encore trop souvent limitée aux seuls contrats multirisques habitation et automobile. De même, tout en observant que des modifications des contrats sont à l’étude ou bien planifiées au sein des compagnies, l’ACPR indique que certains dispositifs de veille ne sont pas suffisamment adaptés et que les mécanismes de revue de contrats sont mal formalisés.
Au regard de l’ensemble de ces conclusions, l'ACPR invite donc les organismes d'assurance à revoir leurs contrats, en mettant l’accent sur les clauses d’exclusion. L'autorité régulatrice a d'ores et déjà annoncé qu'elle suivrait « avec attention les mesures mises en œuvre par les organismes d’assurance pour déployer des dispositifs de gouvernance robustes et réviser ou supprimer rapidement des contrats les clauses d’exclusion non conformes à l’état du droit ».
Assurance Dommages
L'assureur qui refuse sa garantie fait partir en fumée la procédure de l'article L.122-2 du Code des assurances
Cass. civ. 2e, 13 mars 2025, n° 23-10.961, Publié au Bulletin
Par un arrêt du 13 mars 2025, la Cour de cassation a rappelé que lorsque l'assureur refuse de garantir les dommages subis par son assuré en raison d'un incendie, ce dernier n'est pas tenu de respecter la procédure prévue par l'article L.122-2 du Code des assurances, qui lui impose d'observer un délai de 6 mois après la remise d'un état des pertes avant de pouvoir saisir le juge d'une demande d'indemnité.
En l'espèce, à la suite de l'incendie de son café-bar-restaurant, un assuré a réclamé en justice une indemnité d'assurance à son assureur.
L'assureur a contesté la recevabilité de la demande de l'assuré en soulevant le fait que, conformément à l'article L.122-2 du Code des assurances, l'assuré ne pouvait procéder judiciairement qu'après l'expiration d'un délai de 6 mois à compter de la remise de l'état de ses pertes à l'assureur.
L'assureur soutenait encore que cette irrecevabilité de l’action introduite par l’assuré avant l’expiration de ce délai ne pouvait être régularisée en cours de procès (l'assuré n'a transmis son état des pertes qu'au cours de la procédure d'appel). La Cour d'appel de Nancy a jugé que la demande d'indemnisation de l'assuré était recevable et a été approuvée en cela par la Cour de cassation.
Selon la Cour de cassation, les parties ne sont pas recevables à saisir le juge avant l’expiration d’un délai de 6 mois suivant la remise de l’état des pertes à l’assureur, sauf si l’expertise amiable a pris fin avant l’expiration de ce délai. Cependant, lorsque l’assureur a fait connaître son refus de garantie, l’assuré peut saisir le juge pour contester cette décision, sans être tenu de respecter la procédure prévue par l’article L.122-2 du Code des assurances.
Les dispositions d'ordre public de l'article L.122-2 du Code des assurances ont été instaurées dans l'objectif de prévenir des expertises amiables excessivement longues. Si elles paraissent donc favorables à l'assuré, elles constituent également une contrainte pour ce dernier au regard de l'irrecevabilité de toute demande d'indemnité avant l'expiration du délai de 6 mois, y compris lorsqu'il s'agit d'une demande de provision en référé (Cass. com. 22 oct. 1996, n° 93-18.929).
Le présent arrêt, dont l'importance est marquée par sa publication au bulletin, autorise donc une telle action de l'assuré dès lors que l'assureur a refusé sa garantie.
Construction
Partage de responsabilité décennale entre un promoteur immobilier et un architecte
Cass. civ. 3e, 13 février 2025, n°23-21.136
Le promoteur immobilier constructeur non réalisateur, vendeur d'un immeuble à construire, engage de plein droit sa responsabilité civile décennale à l'égard de l'acquéreur, dès lors que des désordres apparaissent dans les dix années suivant la réception de l'ouvrage et répondent à la définition donnée par l'article 1792 du Code civil (Cass. Civ. 3e, 4 avril 2024, n° 22-12.132 et n°22-20.107).
Sa responsabilité de plein droit engagée, le promoteur exerce une action en garantie à l'encontre de l'architecte – maître d'œuvre du chantier. La Cour d'appel opère un partage de responsabilités entre le promoteur et l'architecte. Le promoteur forme un pourvoi, reprochant à la Cour d'appel d'avoir laissé à sa charge une part de de la dette de réparation.
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 1792 du Code civil applicable en Nouvelle Calédonie et énonce deux conditions à la contribution du maître de l'ouvrage :
- la caractérisation à son encontre d'une faute, une immixtion ou une prise délibérée du risque ;
- en cas d'immixtion du maître de l'ouvrage dans la conception ou l'exécution des travaux, la preuve de la compétence notoire de ce dernier. Sur ce point, la Cour de cassation relève que le maître de l'ouvrage avait précédemment été qualifié de "profane en la matière".
Clause D'exclusion
Lorsque » la clause d'exclusion est encore ambiguë
Cass. civ. 2e, 23 janvier 2025, n°23-14.482
La Cour de cassation continue de se prononcer dans des contentieux de couverture des pertes d'exploitation relatives à la pandémie de Covid-19. Dans cet arrêt, elle réitère sa solution de censure d'une clause d'exclusion contenant la conjonction de subordination « lorsque ».
En l’espèce, une société exploitant un fonds de commerce de restaurant avait souscrit une police d’assurance multirisques professionnels incluant une garantie pertes d’exploitation. A la suite des mesures d’interdiction d’accueil du public édictées en 2020 dans le cadre de la pandémie de Covid-19, l’assuré avait effectué une déclaration de sinistre, à laquelle l’assureur avait opposé un refus de garantie, sur le fondement de la clause d’exclusion ci-après :
« Demeure toutefois exclue :
- la fermeture consécutive à une fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national,
- lorsque la fermeture est la conséquence d'une violation volontaire à la réglementation, de la déontologie ou des usages de la profession ».
La cour d’appel, pour juger l’exclusion formelle et limitée, avait considéré notamment que la clause visait deux types d’événements distincts, en raison de l’emploi de deux tirets, de l’existence d’une virgule entre les deux cas et de l’utilisation des termes « consécutive » et « conséquence ». De même, de l’expression « demeure toutefois exclue », au singulier, se déduisait l’absence de deux conditions cumulatives. La cour d’appel avait souligné à cet égard que les deux cas étaient distincts et alternatifs, le premier étant relatif à la situation extérieure de l’assuré et le second consécutif à une fermeture résultant de sa faute.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en rappelant, au visa de l’article L.113-1 du Code des assurances, qu’« une clause d’exclusion n’est pas formelle lorsqu’elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation ». La 2e Chambre civile retient que la clause litigieuse avait été rendue « ambiguë par l’usage de la conjonction de subordination ‘lorsque’ », ce qui « nécessitait interprétation, de sorte qu’elle n’était pas formelle ».
La Cour de cassation réaffirme ici une solution déjà adoptée l’an passé concernant l’emploi de la conjonction « lorsque » dans une exclusion (Civ. 2e, 25 janvier 2024, n°22-14.739 ; Civ. 2e, 14 mars 2024, n°22-16.305 ; Civ. 2e, 20 juin 2024, n°22-20.854), confirmant donc une jurisprudence désormais établie – que les assureurs sont invités à prendre en compte lors de la rédaction de leurs clauses.
Maritime
La clause "pay to be paid" soumise au droit anglais n'est pas opposable à la victime qui exerce une action directe en France
Cass. civ 1ère, 18 déc. 2024, n° 21-23.252, Publié au bulletin
Cette décision de la Cour de cassation, qui a les honneurs du Bulletin, répond à une question inédite : l'efficacité en droit français des clauses « pay to be paid ». Ces clauses stipulent que l'assureur n'est tenu du paiement de l'indemnité d'assurance qu'entre les mains de son assuré-responsable, après que celui-ci a indemnisé le tiers victime. Ces clauses ont pour effet d'entraver toute action directe de la victime à l'encontre de l'assureur. Elles sont valables en droit anglais et bien connues du monde de l'assurance maritime car souvent stipulées dans les polices souscrites auprès des P&I clubs.
Par cette décision, la Cour de cassation a jugé de l'inefficacité de ces clauses en droit français, comme étant inopposables à la victime exerçant l'action directe à l'encontre de l'assureur du responsable.
Dans cette affaire, un navire a heurté la passerelle d'accès à la base de l'hélistation du port de la commune de Cannes. La Commune a assigné son assureur dommages, l'armateur (ensuite placé en liquidation judiciaire) en responsabilité, et les assureurs responsabilité de ce dernier (les « Assureurs »).
Les Assureurs contestaient l'action directe exercée par la Commune à leur encontre en invoquant la clause « Pay to be paid » stipulée dans leur contrat d'assurance, soumis au droit anglais. La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, approuvée par la Cour de cassation, a rejeté leurs arguments.
Pour cela, la Cour de cassation qualifie la clause « Pay to be paid » de disposition relative à la possibilité de l'action directe, par ses effets à tout le moins. La Cour juge ensuite que la question de la possibilité de l'action directe est déterminée par la loi désignée par la règle de conflit du juge saisi. En droit international privé français, l'action directe est possible si elle est permise, soit par la loi de l'obligation principale (ici, la loi française, comme loi du lieu du dommage et donc de la responsabilité délictuelle du navire), soit par la loi du contrat d'assurance. Dit autrement, si la loi de l'obligation principale l'autorise, la loi du contrat d'assurance ne peut y faire obstacle. Or, en droit français, les articles L.124-3 (en assurances terrestres) et L.173-23 (en assurances maritimes) du Code des assurances prévoient bien la possibilité de l'action directe.
Cette décision est aussi pour la Cour de cassation l'occasion de rappeler l'inopposabilité des clauses attributives de juridiction stipulées dans le contrat d'assurance aux tiers victimes. Ces clauses ne peuvent produire d'effets qu'entre cocontractants.
Cette inopposabilité a encore pour conséquence que le jugement rendu par la High Court de Londres dans le cadre de l'action dénégatoire introduite par les Assureurs à l'encontre de l'assuré responsable et du tiers victime n'est pas reconnu en France. En effet, la High Court tirait sa compétence de la clause inopposable au tiers victime.
Cyber
Devoir de conseil du prestataire informatique et responsabilité dans la survenance d'une cyberattaque
CA Rennes, 3e ch. com., 19 nov. 2024, n° 23/04627
La Cour d'appel de Rennes a retenu la responsabilité d'un prestataire de services informatiques dans la survenance d'une cyberattaque par rançongiciel chez son client. La décision est remarquée par la doctrine comme l'une des première à retenir une obligation d'information et de conseil étendue à la prévention contre les cyberattaques.
En l'espèce, une société de fabricant de portails a fait appel à un prestataire de services informatiques pour renouveler son infrastructure informatique. Huit mois après l'installation du matériel, la société est victime d'une cyberattaque par rançongiciel (ransomware), qui a provoqué le chiffrement complet de son système d'information, dont les systèmes de sauvegarde. L'incident a entraîné un arrêt intégral de son activité pendant une semaine, avant une reprise progressive sur trois mois.
Il n'était pas contesté que le prestataire avait exécuté ses obligations contractuelles mais le client a recherché sa responsabilité sur le fondement de l'obligation d'information et de conseil.
La Cour a fait droit à la demande du client et retenu qu'il appartenait au prestataire de l'informer de la nécessité d'adapter le système de sauvegarde de manière à ce que ses données puissent toujours être sauvegardées et restaurées en cas de sinistre affectant le serveur.
La Cour a analysé d'une part, le cahier des charges établi par le client, démontrant un besoin de modernisation de son système de sauvegarde et, d'autre part, la proposition commerciale du prestataire, qui mentionnait le manque de sécurité du système à renouveler et des objectifs de sécurité renforcée. Il en résulte que le prestataire devait conseiller son client sur l'architecture nécessaire à la sécurisation de ses données et lui signaler que ses travaux ne comportaient pas l'installation de sauvegardes déconnectées.
Le prestataire est condamné à indemniser la chance perdue d'éviter le sinistre, soit une fraction des différents chefs de préjudice supportés par la victime : les coûts externes de remise en état et l'atteinte à l'image. En revanche, la Cour refuse l'indemnisation des coûts internes relatifs au temps passé par les salariés de la société à la gestion du sinistre et de ses conséquences. La Cour juge cette demande non justifiée en l'absence de preuve d'heures supplémentaires versées ou de recrutements dédiés à la surcharge de travail.
RCMS
Faute de gestion du Président de SAS et prime d'assurance du véhicule personnel
Cass. com., 6 nov. 2024, n° 23-13.815
Dans un arrêt du 6 novembre 2024, la Cour de cassation a confirmé qu'un mandataire social ne commet pas une faute de gestion en faisant payer par la société la prime d'assurance d'un véhicule que la société lui a ultérieurement cédé.
En l'espèce, à la suite de la cession de l'intégralité des titres composant le capital de la société par son président, la société a recherché la responsabilité personnelle du président en invoquant plusieurs fautes de gestion. L'une des fautes de gestion alléguée était le paiement d'une prime d'assurance automobile par la société alors que cette assurance était relative à un véhicule qui a été ensuite cédé au président. La société soutenait que le Président devait prendre en charge la quotepart de la prime afférente à la période postérieure à la cession du véhicule. La Cour d'appel de Paris a fait droit à cette demande et condamné le Président.
La Cour de cassation a censuré l'arrêt d'appel sur ce point, au visa des articles L225-251 et L.227-8 du Code de commerce, relatifs à la responsabilité du Président de la SAS pour faute de gestion. La Cour a estimé que la prime était entièrement due par la Société au moment de l'appel de cotisation, peu important que le Président soit ultérieurement devenu propriétaire du véhicule.
Il nous semble qu'une telle solution doit être approuvée sur le terrain de la faute de gestion. Si la faute de gestion ne requiert pas de franchir l'obstacle de la faute détachable des fonctions, à laquelle les tiers sont confrontés, il demeure qu'elle nécessite l'appréciation du comportement requis d'un dirigeant prudent et diligent au regard des circonstances de fait au moment de l'acte en cause. C'est donc conformément à ces principes que la Cour de cassation a constaté qu'au jour de l'appel de prime, son paiement ne pouvait être qualifié de faute de gestion.
Produits Defectueux
Exclusion des frais de réparation et de remplacement et « tracasseries administratives »
Cass. 3e civ., 6 mars 2025, n° 23-15.921
L'arrêt publié au Bulletin du 6 mars 2025 a donné l'occasion à la troisième chambre civile de la Cour de cassation de se prononcer sur l'application des clauses d'exclusion de garantie au titre des frais engagés par l'assuré pour « réparer, parachever ou refaire le travail » ou pour « remplacer tout ou partie du produit ».
Dans cette espèce relative à un marché d'installation d'équipements frigorifiques, la cour d'appel avait condamné l'assureur de responsabilité civile d'un professionnel de l'entrepreneur à indemniser le maître de l'ouvrage victime du caractère défectueux de l'ouvrage livré et des avaries conséquentes.
Au titres des préjudices indemnisables, cette dernière avait notamment retenu :
- les frais de sauvegarde des marchandises, des tracasseries administratives et de gestion du personnel ;
- et les frais d'interventions d'urgence, de rajouts de fluides, de nouvelle installation frigorifique et de remplacement des éléments majeurs de l'installation.
L'assureur a critiqué sa condamnation à indemniser la victime au titre de ces préjudices au soutien de deux moyens.
Dans un premier moyen, il a fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que les frais de sauvegarde des marchandises, des tracasseries administratives et de gestion du personnel n'entraient pas dans le champ d'application des clauses d'exclusion précitées.
La Haute juridiction a validé cette interprétation des premiers juges, considérant que les dits frais consistaient en « des dommages résultant du fonctionnement défectueux de l'équipement livré ».
En revanche, le second moyen affirmant l'exclusion des frais engagés au titre des d'interventions d'urgence, de rajouts de fluides, de nouvelle installation frigorifique et de remplacement des éléments majeurs de l'installation a emporté la conviction de la chambre civile, puisque ces frais consistent précisément en des frais engagés pour « réparer, parachever ou refaire le travail et pour remplacer tout ou partie du produit ».
Dommages Corporels
Vers la fin de la multiplicité des barèmes de capitalisation ?
Cass. crim., 5 nov. 2024, n° 23-83.020
Le calcul d'un préjudice patrimonial futur implique l'utilisation d'un barème de capitalisation, permettant de combiner une table de mortalité et un taux d'intérêt. Actuellement, plusieurs modèles de barèmes de capitalisation, reposant sur des paramètres différents, coexistent.
Parmi ces barèmes, figure celui issu de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2011, résultant des articles L. 376-1 et R. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, selon lesquels les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire, dans les conditions prévues par cet arrêté.
La Cour de cassation a cependant régulièrement eu l'occasion de rappeler que les modalités fixées par l'arrêté du 27 décembre 2011 ne s'imposaient pas au juge, qui restait libre de se référer au barème qu'il estimait le plus adéquat (Cass. Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.016), à condition cependant que, lorsqu'il décidait d'appliquer cet arrêté, il en respecte les dispositions (Cass. Civ. 2e, 30 nov. 2023, 22-16.850 ; Cass. Civ. 2e, 15 févr. 2024, 22-21.354).
Or, dans le présent arrêt, la Cour de cassation semble indiquer que les dispositions réglementaires applicables aux caisses de sécurité sociale pour calculer leurs créances sont impératives, de sorte qu’il ne serait plus possible pour le juge d’y déroger en choisissant, par exemple, le barème de la Gazette du Palais.
En l'espèce, à la suite d’un accident de la circulation, une Cour d’appel avait fixé à une certaine somme le montant de l’indemnité due au titre du PGPF, après déduction de la rente invalidité versée à la victime par la CPAM. Alors que le décompte définitif des débours de cet organisme faisait état d'une rente d'invalidité d’un montant capitalisé de 224.000 €, la Cour d’appel avait procédé à une réactualisation de celle-ci à la somme de 510.000 €. Pour parvenir à ce résultat, la Cour d'appel avait pris en compte non pas le barème de capitalisation issu de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2011, mais le barème publié par la Gazette du Palais, qui lui apparaissait être plus pertinent.
La Cour de cassation casse cet arrêt en relevant le choix du barème appliqué, la Cour d'appel ayant retenu « un barème autre que celui résultant des dispositions réglementaires impératives applicables ».
Cette solution interroge, car elle semble indiquer que les dispositions réglementaires applicables aux caisses de sécurité sociales pour calculer leurs créances seraient impératives, ce qui constituerait un revirement de jurisprudence. Il sera donc intéressant d'observer la position de la Cour de renvoi sur ce point.
Actualite de l'equipe
3 questions à Arnaud Attias, nouveau Counsel en Contentieux & Assurance
Arnaud Attias a rejoint en mars 2025 notre département en tant que Counsel pour y renforcer la pratique en maritime et transports, réassurance et cyber. Cette nomination vient compléter l'activité Assurance du cabinet, composée de 14 membres (6 avocats et 8 gestionnaires de sinistres) et dirigée par Romain Dupeyré, associé en charge de l'activité à Paris.
1. Quel a été ton parcours avant de rejoindre DWF ?
Je suis diplômé du Master 214 – Droit des affaires de l'Université Paris Dauphine – PSL (2015) et d'un LL.M de la Duke University School of Law (2016). Avant de rejoindre DWF, j'exerçais au sein du cabinet Kennedys depuis ma prestation de serment en 2017.
2. Quels sont tes domaines de prédilection ?
Je suis amené à intervenir sur l’ensemble des dossiers en assurance tant au niveau français qu’international, en coordination avec les différents bureaux de DWF. Depuis plus de 7 ans, je représente des compagnies d'assurance et leurs assurés dans des contentieux internationaux complexes devant les tribunaux étatiques et arbitraux (ad hoc ou sous l'égide d'institutions comme la CCI, la Chambre Arbitrale Maritime de Paris ou ARIAS France). J'interviens en particulier sur des contentieux de couverture des sinistres en assurance maritime (corps de navire et marchandises transportées) et de responsabilité des transporteurs maritimes, routiers et aériens et autres acteurs de la chaîne de transport. Je possède également une forte expertise en réassurance et en cyber (aussi bien en assurance qu'en gestion des incidents de violations de données).
3. Qu'est-ce qui t'a motivé à rejoindre DWF ?
Rejoindre DWF a été une évidence pour la suite de mon parcours, de par la perspective de rejoindre une équipe que je connaissais bien et que j'apprécie et de par le projet qui m'a été proposé. L’ambition forte du cabinet de s’imposer comme un acteur incontournable de l’assurance maritime, notamment à l’international, a motivé mon choix de m’engager pleinement dans cette dynamique, aux côtés d’une équipe experte et déterminée à répondre aux défis actuels et futurs du secteur !
Souleymane Simpara à la 49e Assemblée Générale de la FANAF
Notre équipe, représentée par Souleymane SIMPARA, a participé à la 49e Assemblée Générale de la Fédération des Sociétés d'Assurances de Droit National Africaines (FANAF), qui s'est tenue à Marrakech du 22 au 26 février 2025, sous le thème « Quels leviers pour un développement inclusif et durable de l'assurance en Afrique ? ».
Ce rendez-vous incontournable de l'assurance et de la réassurance en Afrique, regroupant plus de 1.500 professionnels, a été l'occasion de souligner l'importance de l'innovation et de la digitalisation pour élargir l'accès aux services financiers et promouvoir l'inclusion financière.
Les études présentées ont, notamment, mis en avant la digitalisation des attestations d'assurance automobile, l'utilisation du « mobile money » comme moyen de paiement et des plateformes numériques pour accroître l'accès aux assurances, ainsi que des enjeux liés au rôle des courtiers pour mieux répondre aux besoins du marché.
Notre équipe suit de près les principales évolutions règlementaires dont le règlement portant sur la distribution et la gestion du contrat d'assurance par voie numérique/électronique du 16 janvier 2024, qui illustre la nécessité d'ajuster le cadre règlementaire aux nouveaux besoins du secteur des assurances.
DWF ouvre un bureau à Montréal
Déjà fort de trois bureaux au Canada (à Vancouver, Calgary et Toronto) depuis sa fusion avec le cabinet Whitelaw Twining en 2022, DWF a récemment ouvert un bureau à Montréal.
28 représentants du cabinet Bélanger Sauvé spécialisés en droit des assurances ont rejoint les équipes de DWF à cette occasion afin d'apporter leur expertise dans les différentes branches du droit des assurances et faisant, à cette occasion, de DWF l'un des plus importants cabinets dédiés au droit des assurances dans les différentes provinces du Canada.
Evènement à venir : DWF Insurance Week 2025
Du 12 au 15 mai 2025, DWF organisera sa désormais traditionnelle "Semaine de l'Assurance". Des représentants des équipes dédiées au droit des assurances de nos différents bureaux se retrouveront à Londres afin de rendre visite à nos clients et amis et de fixer nos projets pour l'année à venir.
- Les équipes de DWF Claims organiseront mercredi 14 mai 2025, de 17h30 à 21h30, leur cocktail estival sur le toit du Wagtail
- DWF présentera une équipe lors du Lloyd's Rugby and Netball Tournament et aura plaisir à accueillir clients et amis sur son stand.
N'hésitez pas à nous faire signe sur vous souhaitez participer à l'un de ces évènements !
Le dernier classement Legal500 Assurances
Nous sommes vivement reconnaissants à nos clients, pairs et amis pour le classement récemment établi par Legal500 en matière d'assurance.
A cette occasion, le guide apporte l'éclairage suivant sur nos activités :
« Acting for an array of major insurance and reinsurance companies, DWF (France) AARPI is adept at handling high-value insurance litigation, with strengths in claims relating to business interruption, product liability and property liability (particularly in the industrial sector). »
« Benefiting from its position as part of a full-service firm, the team is also able to assist with the insurance aspects of M&A and with reviews of insurance schemes and policies. Romain Dupeyré, whose practice has a strong emphasis on insurance disputes, leads the team. »
Testimonials
"Collated independently by Legal 500 research team."
"Technical skill, responsiveness and availability."
Merci à toutes et tous pour votre confiance !